Enquête de Jacqueline CORNET |
VIOLENCE EDUCATIVE ET MALTRAITANCE
Battre les enfants…Un cercle vicieux de la violence. Par Jacqueline CORNET
Trois cents jeunes gens et jeunes filles de 18 à 35 ans ont été interviewés dans des services hospitaliers universitaires dans lesquels ils étaient en traitement à la suite d'un grave accident de la route.
Cent deux questions leur ont été posées concernant ce qui avait constitué leur environnement tout au long de leur enfance et de leur adolescence en répertoriant : les lieux de vie, les activités pratiquées par loisir ou obligation, les types d'insertion scolaire puis professionnelle, enfin les caractéristiques de leur milieu éducatif.
En particulier, l'exploration du système familial (ou de ce qui en avait tenu lieu) cherchait à mettre en évidence ses traditions, son insertion sociale, les rapports affectifs et de pouvoir qui s'y développaient et la façon d'y régler les conflits.
Parallèlement et pour chacun des 300 enquêtés, la liste de leurs accidents passés et de leurs maladies antérieures a été établie.
L'exploitation statistique des données recueillies a permis de mettre en évidence :
- que la fréquence et la gravité des accidents dont ces jeunes avaient été victimes est corrélée très étroitement à la force et la fréquence des coups qu'ils avaient reçus dans le cadre de leur éducation; - que les tableaux d'analyse de la variance révèlent un effet significatif à 99,9 % de la progression des coups sur la croissance du nombre des accidents, confirmant donc une relation franche de cause à effet entre les coups et les accidents;
- qu'aucun autre des 102 critères explorés ne semble avoir eu, et de très loin, un tel impact;
- qu'on note déjà plus d'accidents chez ceux qui ont reçu des coups légers et rares que chez ceux qui n'étaient jamais battus;
- que les injures proférées envers les enfants, si elles ne sont pas accompagnées de coups, ne modifient pas le nombre des accidents.
Les plus accidentés sont aussi ceux qui ont été le plus souvent ou le plus gravement malades et, comme nous venons de le montrer, les plus battus : certaines maladies, comme certains accidents, pourraient alors être qualifiés de "socio-somatiques".
L'être humain est programmé, devant tout danger, pour se défendre ou fuir.Or, devant les coups donnés par les éducateurs, fuite et défense sont interdites. Si l'on reproduit souvent et longtemps cette interdiction, on conditionne l'enfant à bloquer ses réponses naturelles de défense devant toute situation périlleuse, inhibant ainsi une adaptation rapide et efficace devant un danger.
Les jeunes qui ont été les plus battus sont ceux qui pratiquent les sports les plus violents, en particulier la boxe, mais aussi pour certains le football, ce qui n'est pas le cas du rugby... comme dans les stades où seuls les rencontres de football déclenchent la violence.
Ils sont aussi ceux qui jouent le plus fréquemment avec des armes. Et les parents battent d'autant plus qu'ils ont eux-mêmes été battus, mais aussi qu'ils ont été élevés dans des dictatures :il semble donc exister un cercle vicieux de la violence dont l'enfant,la famille et la société deviennent prisonniers.
Des chercheurs de l'INSERM sont arrivés aux mêmes conclusions,constatant une forte liaison entre toutesles formes de violence, sur soi, sur autrui et subie. Tandis qu'à l'Université de Hong Kong, sur plus de 3.000 petits chinois, on a aussi mis en évidence une relation forte entre les punitions corporelles reçues et la multiplication des accidents et des maladies.
Il paraît donc indispensable d'apprendre aux parents que l'habitude culturelle des punitions corporelles, fortement ancrée chez certains d'entre eux, n'a aucun fondement et porte au contraire fortement préjudice à leurs enfants.
A la fois constitutive de la société et conditionnée par elle, le Famille apparaît comme un pôle essentiel du feed-back de la violence.
Résumé du livre du Dr Jacqueline Cornet "Faut-il battre les enfants" éditions Hommes et Perspectives. Prix scientifique de la Fondation de l'Enfance 1996
Association Ni Claques Ni Fessées
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