Questions à JP ROSENCZVEIG |
VIOLENCE EDUCATIVE ET MALTRAITANCE
QUESTIONS de A J FAMILLE à JP ROSENCZVEIG SUR LES CHATIMENTS CORPORELS
Mai 2005
AJ FAMILLE :A l’heure actuelle, la pratique des châtiments corporels comme moyen d’éducation est, dans une certaine mesure, tolérée dans notre pays. Dans votre pratique professionnelle, êtes vous souvent saisis d’affaires concernant des mineurs victimes de violences de ce type ?
JPR : Souvent non, régulièrement, oui. Dans tous les milieux, la violence a tendance à remplacer le dialogue dans les rapports parents-enfants, mais faut-il ajouter également dans les rapports entre parents. Nous venons de loin. Il était une époque où l’enfant devait être soumis à l’autorité des parents et la femme à celle de l’homme.
Les choses ont évolué et certains le regrettent. Ils se disent démunis du fait des droits reconnus à l’enfant. Faut-il déjà préciser que ces droits ne sont que les droits humains élémentaires qui veulent que toute personne - et l’enfant est une personne - soit protégé dans son intégrité.
Ceux là confondent aussi autorité et violence. On peut exercer de l’autorité sur quelqu’un - les parents sur leur enfant- sans violence. Les familles africaines sont ici révélatrice qui se sentent démunis face à la culture démocratique occidentale !
AJ FAMILLE : Pouvez-vous nous décrire la procédure suivie dans ce genre d’affaire ?
JPR : Le juge des enfants peut se trouver saisi par le procureur de la République lui-même alerté par les services sociaux, un enseignant ou un membre de la famille sinon par l’enfant lui-même ; le juge peut aussi se saisir de faits dont il aurait connaissance, ce qui est une exception procédurale.
Rien n’impose cependant de saisir un juge. Si un juge est saisi, il convoquera tout le monde ; essaiera de convaincre les parents d’avoir une attitude et s’il lui semble que cela ne suffit pas il désignera une équipe éducative pour « assister » les parents.
AJ FAMILLE : Quelles mesures prenez-vous lorsque vous êtes confrontés à des mineurs victimes de ces violences ? Lorsque l’auteur des violences est le parent du mineur, comment faire pour parvenir à rétablir les relations parents-enfants ?
JPR : Il faut rappeler les règles du jeu familial à celui qui les méprise consciemment ou non. Cette parole est indispensable. Elle doit être entendue par les parents et par les enfants. Non seulement il faut rappeler les règles du jeu mais leur sens.
Il peut être utile ensuite de mettre en œuvre une mesure de soutien éducative à laparentalité sur plusieurs mois.
Une thérapie familiale peut s’imposer pour s’attaquer au fond du problème comportemental de tel parent. L’objectif est de lui apprendre à répondre autrement aux comportements des enfants qui lui posent problème. Tout cela peut prendre du temps et révéler des problèmes plus préoccupants
AJ FAMILLE : A partir de quel degré de violence considérez vous que les châtiments corporels infligés à l’enfant dégénèrent en maltraitances ?
JPR : Ce n’est pas seulement un problème d’âge, mais de degré. C’est le bon sens de dire que la violence est en tous points insupportable par un adolescent. C’est nier sa capacité de dialoguer et de comprendre le message qu’on entend lui faire entendre
AJ FAMILLE : Existe-t-il, selon vous, un profil sociologique « type » des auteurs de maltraitances (parents ou encore éducateurs) sur les mineurs ?
JPR : Difficile de dresser un tel portrait. On sait même que nombre de personnages maltraitants camouflent bien leur comportement. Il faudra bien du temps pour le réaliser.
Reste qu’une typologie n’est pas facile comme le fait que tel enfant n’a pas été désiré ou identifie tel épisode difficile de la vie. Dans d’autres hypothèses le recours à la violence est à la hauteur de la faiblesse ou la frusticité de la personne.
On le sait la violence est l’arme des ceux qui n’ont rien d’autres à offrir. A la limite, on retrouve des personnalités très perturbées, soit conjoncturellement, soit plus profondément. Il n’est pas rare d’y retrouver des personnages qui eux-mêmes ont été maltraités quand ils étaient enfants
AJ FAMILLE : Les faits de violence commis par des mineurs, de plus en plus jeunes, à l’égard de leurs enseignants alimentent certains courants de pensée prônant la légitimité des châtiments corporels, en raison de ses vertus pédagogiques supposés. Que pensez-vous de ces courants de pensée ?
JPR : Ici comme ailleurs la violence est l’arme des faibles. D’abord on devrait s’interroger sur la violence des adultes et de certaines institutions. La violence des enfants ne tombe pas du ciel.
Soit elle est à l’aune de celle qui les environne à la maison ou ailleurs et ils reproduisent des comportements qu’ils ont croisé voire dont ils ont été victimes. Soit tout simplement ces enfants sont violents car ils n’ont pas été protégés par les adultes et les institutions qui avaient vocation à les protéger.
Pourquoi respecteraient-ils un ordre dont ils ne tirent pas bénéfice ? En tous cas ceux qui croient qu’il suffit de la force pour mater des enfants devraient revisiter l’histoire !
Ils n‘ont guère confiance dans leurs compétences et en ce qu’ils ont à proposer aux enfants. C’est bien l’illustration du propos central : recourent à la violence ceux qui n’ont n’a rien à dire ou qui ne savent pas comment communiquer.
La violence n’est pas une avancée de démocratie familiale ou sociale ! Cela ne veut pas dire qu’on doit tout accepter et dénier toute autorité ; cela signifie simplement qu’on doit exercer une autorité protectrice.
Ces courants de pensée que vous relevez nous ramèneraient volontiers au XIX+° siècle au moins où l’enfant obéissait au doigt et à l’œil au père, et la femme à l’homme !
Extrait de la page de J.P ROSENCZVEIG
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